L’an prochain, nous fêterons le demi-siècle des premiers principes sociaux et environnementaux mis en place par l’OCDE, formant les premiers engagements contraignants pour les entreprises en matière de responsabilité extra financière.
Pourtant, si ces avancées ont eu et ont encore des bénéfices concrets pour la santé des économies, elles commencent à faire face à un double défi qui remet en question leur pertinence à moyen terme au mieux et leur survie au pire.
A ma droite : haro sur les touillettes à la cantine !
Quiconque ne travaillant pas dans un département RSE a forcément levé les yeux au ciel en recevant la note d’information, ou en croisant les écriteaux enjoignant de ne pas gaspiller l’eau ou l’énergie. Ces micro actions, souvent les seules visibles dans le quotidien de l’entreprise, sont la minuscule partie émergée d’un iceberg beaucoup plus important.
Malheureusement, dans un monde de communication où la nouvelle la plus choquante qui soit possède 72h de durée de vie, rendre visible des programmes de longue haleine qui n’ont pas d’impact direct sur la vie de l’organisation est une gageure.
Et plus d’un.e professionnel.le de la RSE souffre de cette impression de mettre temps et énergie dans un puits sans fond sans reconnaissance de leurs collègues ou de leur hiérarchie.
Et ceci vient notamment d’une faille originelle de la RSE : être une réponse à des normes. Lorsque vous êtes en charge d’un projet ou d’une entreprise et que l’on vous indique qu’il faut cocher une case pour être dans les clous sans que cela vous apporte quoique ce soit de plus, allez vous déplacer des montagnes pour faire plus que le strict nécessaire pour cocher la case ? Non.
D’où le sentiment de déconnexion entre les ambitions affichées de la RSE, des moyens qui lui sont alloués, des résultats qu’elle produit, et de sa réputation dans les organisations.
Pire encore, quand les vents de l’économie tournent à l’orage, c’est la case bonne conscience qui sert en premier de bouc émissaire au son de versions plus ou moins élaborées de “l’écologie ça va bien deux minutes hein !”
Bref, accusée de greenwashing ou de brassage de vent d’un côté et d’empêcheuse de business as usual de l’autre, la RSE peut-elle survivre ? Surtout quand on considère que…
A ma gauche : des normes en retard sur la réalité
A l’heure où les coûts des aléas climatiques dépassent allègrement les 5 milliards par an depuis 2020, où les tensions sur les approvisionnements se multiplient et où les pénuries pointent le bout de leur nez, le rapport annuel indiquant quels objectifs de développement durable l’on suit ou quelle note l’on a obtenu sur un label ou un autre ne semble pas une réponse à la hauteur.
En effet passé l’euphorie post COVID où tout le monde a juré main sur le coeur que le monde d’après serait radicalement différent, on se retrouve quelques années plus tard avec les uns qui reviennent sur la première obligation réglementaire de durabilité au niveau Européen tandis que d’autres envahissent leurs petits camarades pour leurs ressources (Russie / Ukraine) ou sont dangereusement tentés de le faire (USA / Groenland).
La place de la RSE dans tout ça ? Entre le marteau du business as usual et l’enclume des limites planétaires. Pas exactement confortable.
La robustesse peut-elle être la seconde vie de la RSE ? Oui, mais…
Evidemment les constats partagés jusqu’à présent sont des évidences pour une bonne partie de la profession. Et, suivant les anglo-saxons, certains ont déjà commencé à pivoter d’un modèle RSE classique de conformité réglementaire à un modèle de robustesse / soutenabilité qui envisage l’avenir de l’organisation dans sa globalité plutôt que de se borner à se conformer aux normes en vigueur.
Toutefois, deux obstacles se dressent face à l’émergence de cette nouvelle fonction et le second va vous étonner (oui, j’ai osé !)
La politique interne des organisations déteste les coups d'État : une nouvelle branche de l’activité, même si elle apparaît en théorie comme bénéficiaire à tous, bouscule les équilibres politiques internes. Et sans sponsor clair et durable au niveau exécutif, le tournant risque d’accoucher d’un énième projet Théodule que l’on laissera vivoter quelques années avant de se dire qu’il ne servait à rien. Qui veut tuer son chien… Vous connaissez la suite !
Pire encore si la fonction RSE est subordonnée à une fonction déjà en place, comme la communication ou les RH : les personnes dirigeant la branche déjà en place voudront naturellement récupérer les petits nouveaux mais ne pourront que très rarement leur accorder une place égale au métier d’origine. Atavisme personnel oblige.
Ce n’est pas impossible, bien entendu, mais c’est s'ajouter des difficultés sur la route de la transformation si la personne déjà chargée à 110% de la communication ou des RH se retrouve tout d’un coup avec la responsabilité de la robustesse de toute la structure. Que va-t-elle prioriser ? Son métier d’origine où elle est confortable, ou ce nouveau domaine mouvant et incertain ?
L’inconnu fait peur, surtout quand il concerne l’avenir : la durabilité, ou robustesse, ou soutenabilité, ou résilience… selon la mode lexicale du moment, est un domaine qui peut encore paraître controversé voire antagoniste aux enjeux de l’organisation. Certains peuvent donc être refroidis à l’idée d’étendre le champ de la RSE existant par crainte d’un backlash ou manque de traction interne.
En cela, le second obstacle au développement de la RSE en pôle de robustesse peut finalement se révéler… les équipes RSE elles-mêmes.
Née dans un contexte de mitigation des excès des grandes entreprises, la RSE a aujourd’hui l’opportunité de devenir la boussole de l’avenir des organisations qu’elle sert.
Mais pour cela, elle doit dépasser sa mission première de conformité pour évoluer vers une mission de boussole d’avenir pour la performance de son organisation.
La situation est comparable à l’arrivée d’Internet dans les entreprises, de webmaster à community manager dans ses débuts, la gestion d’Internet est maintenant confiée à des équipes entières dédiées au sein de leur propre branche, ou réparties au sein des fonctions de l’organisation.
La RSE va probablement suivre un chemin similaire, en passant de responsables-moutons-à-5-pattes ou consultant.e.s aux penchants de céphalopodes maniant une demi douzaine de spécialités à des équipes clairement définies chargées de chaque expertise. Le développement de l’ESG dans le monde de la finance ou des expertises ACV dans les filières de production est la première étape de cette métamorphose.
Mais du coup, RSE ou robustesse ?
Tout dépend de vos enjeux.
Si vous n’avez pas de risques de court terme et que vous pensez votre modèle raisonnablement solide, il est possible de continuer avec une expertise RSE de conformité réglementaire et d’évoluer doucement vers une expertise plus large de robustesse globale.
Si en revanche, vous ressentez déjà des soubresauts liés aux limites planétaires, aux émissions de votre organisation, ou aux ressources nécessaires à votre modèle, la mise en place d’une vigie de robustesse pourrait vous permettre d’y voir plus clair et de tracer une feuille de route.
Chez 23h58, on a conçu Archimède pour vous aider dans cette décision. Que vous portiez un projet, une équipe, un produit ou que vous soyez spécialisé.e en RSE, nous avons probablement des choses à nous dire !